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vendredi, novembre 15, 2024

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Moris Samen « La culture forge et consolide l’identité en tant qu’être humain »

L’Afrique regorge d’un potentiel culturel immense pouvant favoriser l’épanouissement de l’Homme dans tous les domaines de la vie. Face aux différents défis actuels, il devient absolument nécessaire de puiser à cette source des éléments novateurs afin de se propulser dans le monde moderne. C’est effet l’avis du Dr. Moris Samen Dr Moris Samen, (Enseignant chercheur au Goethe Université Frankfurt, Institut d’Ethnologie, Etudes Africaines) qui s’est confié à nous après sa mission bénévole au sein de l’ONG Fondation Jean Félicien Gacha sis à Bangoulap au Cameroun. Une ONG a qui l’Etat du Cameroun a reconnu le caractère d’utilité publique au regard de ses champs d’activités variées et denses au service des populations camerounaises et d’ailleurs. Cette mission s’inscrivait dans les activités de cette diaspora africaine en Europe éclaireur et avant-gardiste, donnant ses lettres de noblesse à l’action de volontariat. C’est dans le cadre du projet pilote « transfert des connaissances » que le Dr. Samen a démontré la modernité et le caractère futuriste des savoirs élitaires de certaines sociétés africaines. Cette mission, fortement appréciée par les publics bénéficiaires (élèves, étudiants, jeunes, moins jeunes et adultes), a porté essentiellement sur deux axes : l’éducation et la culture. Ceci se déroula à travers une série de conférences et un extraordinaire « workshop » autour du vin de raphia et des valeurs qu’il cache et porte en même temps. Une action inédite dont nous avons pu obtenir du principal acteur, quelques renseignements.
Dr Samen, comment jugez-vous la mission de volontaire que vous vous êtes assigné et qui vous a conduit pendant une quinzaine de jour au sein de l’équipe locale de l’ONG/FJFG ?
Dr. MS – Cette mission s’est opérée dans le cadre d’un programme de « transfert des connaissances » du Centre International de Migration et de Développement Allemand (CIM)aussi connu sous « expert de la diaspora ». Il s’agissait donc de dispenser mes connaissances acquises par le biais de mes recherches scientifiques aux populations. Je suis anthropologue puis sociologue et effectue des recherches dans plusieurs régions au Cameroun depuis 2009. Les connaissances que je véhicule ne sont en effet que les connaissances locales et les faits sociaux expliqués scientifiquement. Plusieurs sociétés africaines en générales se trouvent en effet confrontées à un problème majeur, celui d’avoir la difficulté de traduire leurs savoirs élitaires (traditions) dans les réalités du monde moderne. Ce qui fait donc que finalement on cherche ailleurs ce que l’on a sous les yeux mais ne le voit plus. Mes travaux de recherches actuels consistent donc à trouver la science dans les « traditions » ou encore d’analyser les « traditions » de manière scientifique. Les résultats obtenus jusqu’à lors appartiennent ainsi à l’ordre de la modernité. C’est donc en me basant sur mon expertise et sur des années de recherches que j’ai opté de contribuer au transfert de connaissance par le truchement de la fondation GACHA. Tout s’est très bien déroulé. Je fus particulièrement surpris de l’enthousiasme des jeunes dans la recherche du savoir scientifique.
Déjà, pourquoi la fondation GACHA et non une autre OSC ou association
Dr. MS – J’ai entendu parler de la fondation GACHA quand je vivais encore au Cameroun. En Allemagne, où je vis actuellement, la fondation GACHA a su faire parler d’elle dans la diaspora. Elle a déjà eu a mené des activités intéressantes. En suivant les activités de la fondation via son site internet et autres, elle me semblait être le cadre le plus propice pour mon projet. Etant donné que l’idéologie de la fondation épousait bien mes desseins.
Au cours de votre séjours, il a été question de beaucoup de conférences, avec les publics surtout jeunes, pouvez-vous nous dire un peu plus sur le contenu des dites conférences ?
Dr. MS – Très souvent quand on débat sur les « traditions » et de « cultures » africaine, il s’agit d’un regard lancé vers le passé, pour essayer de garder les valeurs traditionnelles d’antan. Mais dans mes activités menées au sein de la fondation GACHA il s’agissait principalement du fait de se baser sur les savoirs élitaires des « traditions » actuels pour pouvoir, d’une manière manifeste, mieux se projeter vers le futur. Mon objectif était d’expliquer comment faire faces aux divers problèmes sociaux actuels en prenant pour point d’appui les éléments dans les « traditions ». Je qualifie plusieurs aspects dans les « traditions » locales de futuristes dans la mesure où de par ses richesses elles peuvent répondre aux questions sociales et scientifiques actuelles et futures. Donc loin d’être un transfert de savoir passif, il s’agissait en effet d’une orientation ayant pour point de départ la « tradition » permettant aux jeunes, parents et acteur de la fondation GACHA d’optimiser leurs acquis culturels et naturels pour mieux se projeter dans le futur. C’est dans cette optique que j’ai développé trois thèmes : Féminité, sexualité et migration.
Il ne s’agissait pas de la transmission des idées classiques, mais plutôt d’un approchement d’une perspective nouvelle, peu connue et basée sur le savoir élitaire des érudits ainsi que sur les connaissances endogènes y applicables. Sexualité : La conception de la sexualité en vigueur de nos jours, diffusée par les systèmes éducatifs et conceptions du monde exogènes et amplifiée par les médias nous offrent un aperçu carentiel de ladite chose. En scrutant ce thème dans les « traditions », on décèle des aspects (oubliés) tout à fait innovateurs pour notre temps et modernes dans la mesure où ceux-ci permettent à mieux faire face aux défis présents. Féminité : Tout dans les sociétés locales commence par la féminité. La perception actuelle de la féminité au Cameroun a connu beaucoup l’influence des facteurs exogènes. Ceci a abouti à l’oubli voire la perte de certaines valeurs. Or la féminité fait partir des valeurs intrinsèques dans les structures locales qui loin d’être fantaisistes ou arbitraires étaient jadis bâtis sur des fondements scientifiques. Parler donc de la féminité c’est redynamiser toute une conception du monde (science, économie, famille etc.). Enfin ceci permet aussi aux jeunes filles de retrouver cette valeur d’antan et de consolider leur identités sociales et culturelles pour ralentir la désorientation qui bat son plein. Migration : Un grand problème de nos jours. Les causes de la migration telles que présentées par les gens qui la vivent ou encore par les organisations quelconques sont principalement la pauvreté et la recherche d’une vie meilleure. En scrutant de la perspective des savoirs élitaires des érudits locaux on aboutit à d’autres résultats, notamment à l’impact du lien magnétique entre l’Homme et la terre, dont l’ébranlement peut conduire à la migration. En marge de ces conférences, j’ai eu à prendre part aux activités sociales de l’ONG foundation JF Gacha auprès des communautés Bororo des villages Maka et Manoré. Il s’agissait de s’imprégner de la situation conflictuelle dans les deux écoles dans ces deux communautés, nouvellement établies et construite par la fondation GACHA. La fondation GACHA a sollicité mon expertise et appui en tant qu’ethnologue et sociologue. Avec leur équipe nous sommes descendus sur le terrain. C’est donc dans le cadre de ces descentes que nous avons pu déceler les points de frictions et sensibiliser la communauté et surtout les parents d’élèves sur la nécessité de l’école et surtout sur leur concours. Nous avons été très satisfaits des résultats.
A votre avis, quel impact peuvent avoir ces conférences sur le développement de nos communautés, notamment les jeunes ?
Dr. MS – Comme je le disais plus tôt, loin d’être un transfert de savoir passif, il s’agissait en effet d’une orientation ayant pour point de départ la « tradition » permettant aux jeunes et aux adultes d’optimiser leurs acquis culturels et naturels pour mieux se projeter dans le futur. Par le biais des trois thèmes choisis à savoir Féminité, sexualité et migration, les jeunes découvraient que les « traditions » locales s’inscrivaient à juste titre – au niveau scientifique – dans la modernité. Selon ce que certains d’entre eux m’ont fait part ultérieurement, ces conférences les inspiraient beaucoup. Par celles-ci ils commençaient à considérer les « traditions » et cultures locales comme une grande source de richesses. En enseignant aux populations locales pourquoi et comment rechercher la science dans leurs cultures je veux les amener à contribuer activement à la conception future de leur société. Se baser sur la science véhiculée dans le savoir élitaire des sociétés africaines devient crucial pour mieux s’orienter dans le développement et pour faire face aux défis y relatifs. Il s’agit en effet du fait que de par sa croissance démographique et économique, l’Afrique devient de plus en plus le terrain de plusieurs enjeux accélérant son équipement et son développement. En perdant de plus en plus de valeurs culturelles non seulement la jeune génération est dépouillée de certaines propriétés de leur identité mais ils deviennent aussi ignorants de cette science-là pertinente tant dans le domaine médicinal, technologique que sociologique. Tous ces déficits entravent notamment leur capacité de pouvoir faire face en toute dignité au tourbillon croissant de la mondialisation. Sans repères culturels l’expérience du développement de l’Afrique peut certes faire accéder aux progrès techniques, mais ceci peut aussi entrainer des effets secondaires plus ravageurs que ceux dont subissent certains pays industrialisés actuellement. Cependant la science véhiculée dans le savoir élitaire de plusieurs sociétés africaines permettrait de mieux cadrer, structurer et même de dynamiser cette transformation qui en entrain de s’opérer en Afrique tant dans le domaine économique, politique, social, scientifique que religieux.
Des activités fut axé sur le vin de raphia et les artisans qui le récolte, de quoi il était vraiment question ?
Dr. MS – Cette activité fût sponsorisée par l’ONG Deutsch-Kamerunischer Samaritere.V. (DEKASA) dont je suis membre du comité directeur. L’idée fût discutée auparavant avec Mr. Flaubert Taboué Nouayé, directeur du Centre des Cultures JLD de l’ONG/FJFG. Il s’agissait en effet dans un cas pratique de redynamiser les savoirs locaux. Parmi les patrimoines culturels dans le Grassfield Camerounais, les activités autour du vin de raphia comptent passent pour les plus importantes. Le vin de raphia est entouré de toute une symbolique culturelle, spirituelle et aussi culinaire. Donc on voulait atteindre par le biais de cette activité le fait que les vignerons puissent présenter leur art et plus important de l’expliquer. L’assistance était nombreuse et la palabre grande. Ce fût un très bon moment clôturant mon volontariat à la fondation GACHA. Nous espérons très bientôt faire quelque chose pour le club matango à Bangoulap.
Pour terminer, quel conseil à la diaspora que vous connaissez bien relativement au volontariat ? S’il fallait reprendre l’aventure ?
Dr. MS – Pour ceux de la diaspora, c’est une bonne expérience. Si je ne faisais pas ces conférences je n’allais pas être en phase avec l’actualité scientifique et avec l’évolution des mentalités, à savoir le fait que les jeunes sont actuellement à l’affut des connaissances. Venant de l’étranger, il est absolument nécessaire de se rajuster mentalement et s’adapter d’abord aux réalités locales. Il faut par exemple beaucoup de patience. Mes conseils sont aussi valables au niveau local dans la mesure où les gens doivent peu à peu intérioriser l’idée du volontariat (social), encore très rare au Cameroun. Car il forge et consolide l’identité en tant qu’être humain dans une société se voulant plus humaine.
S’il fallait reprendre ?
Dr. MS – Ce serait avec plus d’expérience et on ferait encore mieux.
Propos recueillis par El Kamal Mba Junior
L’article paru dans le journal Le Medium N° 128 du 16 Janvier 2024

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